La Crainte de la Mort / le 19.03.2011
Rien n’est comparable à la crainte de la mort. La mort est l’ennemi, et les autres inimitiés n’en sont que les préparatifs. Notre antagonisme envers la mort viendrait du fait que nous ne savons pas l’attendre, car nous ne connaissons ni le jour ni l’instant de sa venue. Une maladie terrible vous atteint et vous restez en vie, mais vous pouvez disparaitre sans cause aucune.
Les parents et les amis d’un défunt perçoivent son départ comme un châtiment qu’ils attribuent à Dieu. Ils l’expriment ainsi «Dieu donne la vie et la reprend», car un tel événement ne peut survenir que par Celui qui est cause de tout. La fonction du Créateur n’est-elle pas d’être l’origine de toute chose? La chose signifie l’être et le non-être. Cette croyance implique que Dieu a une stratégie de supprimer la vie comme de la conserver. Cela veut dire, plus simplement, que le Créateur tient, depuis l’éternité, un registre où il a écrit les noms. La question est de savoir pourquoi Dieu s’occupe de nous jusqu’à ce qu’on devienne centenaires ou plus, mais aussi pourquoi nous abandonne-t-Il comme l’exprime la croyance populaire? Croire en l’abandon de Dieu n’implique-t-il pas qu’Il prend tel ou tel parti?
En vérité, nous ne connaissons pas les intentions divines, nous sommes dans une totale ignorance devant un fait inévitable. Je concède que ceci soit effrayant et cette crainte s’intensifie si nous croyons que Dieu est la cause de notre disparition de cette existence. Nous changeons complètement d’opinion si nous croyons que Dieu aime notre pérennité, il n’a aucunement une position aléatoire et ne possède point un registre où rechercher ton nom et l’heure de ta mort. Dieu n’est pas versatile. Le secret de la mort nous demeure caché et ne sera dévoilé qu’au jour ultime.
Dans le Coran (39, 42) «Allah reçoit les âmes au moment de leur mort». Il y a une distinction entre la séparation de l’âme du corps et le recouvrement par Dieu de cette âme. Cette partie du verset montre que nous faisons face à deux choses: d’une part la mort des âmes et d’autre part la récupération par Dieu de ces âmes séparées du corps. Dieu reprend à l’homme ce qu’Il y a déposé. C’est Sa fonction. Pourquoi ces âmes Lui reviennent-elles? Il ne semble pas qu’il y ait de réponse à cette question.
Je n’ai rien à voir avec le destin décidé par Dieu –selon la théologie musulmane-. Je m’en tiens à une lecture indépendante qui me démontre la différence entre le décès et ce que la Bible nomme «la mort des âmes», pour dire que les âmes vont à Dieu telles qu’elles sont, et que Dieu les accepte dans sa miséricorde. Cette acceptation est tout pour le croyant.
Comprendre les causes biologiques de cet événement n’est pas une consolation pour le croyant. La tristesse est telle, car en vérité la connaissance biologique de la séparation n’est que supposition, la supposition scientifique ne console pas, car l’être aimé est parti et nous ne voulions pas qu’il parte.
Tout réside dans le fait que nous refusons l’absence. La douleur provient de ce que l’être présent à nos yeux, ne l’est plus. Tout est dans la rencontre permanente des yeux et des autres sens. Etre c’est adhérer. Nul n’accepte l’absence. La douleur se manifeste à la mesure de l’amour. L’univers ne se base pas sur la compréhension mentale. Pleurer est constatation d’incompréhension.
Admettre que l’être disparu est en état d’absence du regard et de la mémoire est le début de la libération de son image qui enchaine. Il serait vain de transposer cette image du regard au conscient. Ceci nous enchainerait davantage et nous garderait dans les éléments de la mort. On doit se libérer des morts, car la vie n’est qu’en Dieu. Si nous déposons les morts à la garde de Dieu, dans la réalité de Son amour, nous les aurions élevés à la Vérité. Nous avons beaucoup entendu dire des morts tragiques de la guerre que tel ou tel martyr est vivant en nous. Si ce mort est vivant en nous, nous sommes donc ses esclaves. Nous sommes appelés à nous libérer de tous les morts, à les rencontrer uniquement dans la prière, c’est-à-dire dans le geste de les pousser vers Dieu. Ils n’ont pas besoin de nous mais de la miséricorde divine.
Ce que les chrétiens nomment la communion des saints n’est pas se souvenir des disparus. C’est uniquement une communion dans la sainteté. Les Églises qui croient en l’intercession ne s’appuient pas sur les réactions émotionnelles, mais sur l’Esprit Saint qui purifie toutes les âmes et en fait une Église, une.
En s’appuyant sur ce qui précède, l’effort qui doit être fourni est de voir notre disparu bien-aimé appuyé sur la poitrine du Maitre. La Cène est pérenne et dans notre détachement de ce monde, nous sommes à l’écoute du cœur du Seigneur et c’est là le début de la compréhension qui nous élève vers le Père dans la présence Duquel nous nous appuyons sur la miséricorde dont Il nous comble. Dans le Royaume, nous goûtons peu à peu à la résurrection. La résurrection n’est pas un temps, c’est une tendresse. Et si nous espérons le pardon, il nous enveloppe dès que l’âme quitte le corps, car il est impossible lors de la séparation de se trouver face au néant. Dès le premier instant, nous sommes dans la vision, la résurrection nous engloutit et nous pénétrons dans la Pâque.
Notre vie pascale n’est pas ajournée, mais notre unique Pâque est révélée à la résurrection ultime dans l’illumination de l’amour de Dieu pour nous et notre amour pour Lui.
Dans cette optique, la gloire n’est pas fractionnée, c’est un contenant immense. Celui qui peut vivre entièrement cette conviction ne meurt pas.
Traduit par Claude Nahas
Texte Original: « رهبة الموت » –Nahar- 19.03.2011
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