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2005, An-Nahar, Articles

Aime ton prochain comme toi-même / le 19 novembre 2005

Ce commandement de Jésus de Nazareth vient en fait de l’Ancien Testament qui en limite cependant l’application aux membres d’un même peuple: Tu ne te vengeras pas et tu ne garderas pas de rancune envers les enfants de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Lv 19, 18). Le Nouveau Testament en a élargi l’application, faisant de chaque humain un sujet d’amour. La façon dont ce commandement y est exprimé dans le mode impératif: Aime, Tu aimeras (cf. Lc 10, 27), clarifie que l’amour est un ordre divin et non seulement un simple mouvement affectif. En effet, en aimant, le cœur peut ressentir un tel sentiment ou bien s’en abstenir. L’amour est donc l’objet d’une loi dont la signification se résume en ce qu’il faut aimer son prochain comme soi-même.

L’idée sous-jacente dans l’Ancien Testament est qu’il existe un lien entre les tenants de la Loi. Ils appartiennent tous au peuple des justes. Ils sont censés être unis par le lien de la sanctification. Dans ce contexte, aimer, c’est affermir l’entité divino-humaine du peuple juif.

Le Christ ne nous fait pas appartenir à un peuple particulier. En aimant, nous constituons le peuple des aimés. C’est pourquoi Jésus proposa la parabole du Bon Samaritain en réponse au docteur de la Loi qui lui demandait: Qui est mon prochain? À cette question, le Seigneur a répondu par une autre: Lequel s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands?. Le docteur ayant répondu: Celui-là qui a pratiqué la miséricorde, Jésus lui dit: Va, et toi aussi, fais de même (Lc 10, 9-37). Il a voulu dire que tout homme nous reste étranger tant que nous ne prenons pas en considération ses douleurs et sa solitude. Il ne nous demande donc pas d’avoir simplement pitié. La pitié est le résultat d’un sentiment spontané. Il veut nous dire qu’aimer c’est aider. Pour Jésus, c’est par l’amour actif que se constitue le peuple des aimés.

Pourquoi la Loi a-t-elle prescrit d’aimer? La Loi ne laisse personne agir à sa guise. Elle ne connaît pas d’amour-passion. L’homme peut avoir des passions pour ou contre les autres, comme il peut ne pas en avoir. Le sujet de son animosité peut mourir, comme il peut lui arriver lui-même de périr. S’il meurt en état de rancœur, il meurt séparé des autres. Le lien qui l’unissait à eux au sein du peuple saint est défait. Si nous excluons quelqu’un de l’amour, nous nous en excluons aussi. Nous excluons aussi Dieu qui illumine notre unité existentielle. Or, il est dit: Aimez vos ennemis (Mt 5, 44). Aimer l’ennemi, c’est se débarrasser de tout esprit d’inimitié. C’est aider l’ennemi à s’en débarrasser lui aussi et en tout cas l’aider à se libérer de l’exclusion.

Si l’amour représente un code de conduite et de vie entre les humains, il s’en suit qu’il n’est pas dû aux qualités de la personne qu’il nous faut aimer. Elle peut être répugnante dans tous les sens du terme. Il n’est pas en effet donné à tout un chacun de briller d’un éclat divin. Il peut ne pas être doté d’une politesse exquise. Il se peut qu’il n’aie pas été effleuré par quelque peu de civilisation. Il faut pourtant l’aimer tel qu’il est pour naître à nouveau. Nous n’aimons pas quelqu’un parce qu’il le mérite ou pour qu’il nous paye de retour. Son âme peut être avare, aride et dépourvue de toute bienveillance. Tout cela ne doit pas nous freiner, car nous devons vivre de la grâce descendue d’en haut. Elle doit nous suffire. Elle transforme nos déserts en paradis. Quand Dieu nous suffit, nous vivons dans la plénitude de notre être. Nous pouvons être tentés par telle ou telle autre mode humaine. Ces modes peuvent susciter notre ardeur ou même parfois refléter des lumières divines. Quoiqu’il en soit, nous devons demeurer dans le désert de l’amour, selon l’expression de Mauriac, et y vivre en toute plénitude, dans la mesure où nous sommes conscients d’être les aimés de Dieu.

L’amour de Dieu nous sauve. Il faut nous rendre compte que cet amour nous enveloppe et ne rien demander d’autre. Il nous arrive parfois de ressentir que l’affection de quelqu’un envers nous est un reflet de l’affection que Dieu nous porte. Toute la valeur de l’amour affectif serait de nous permettre de réaliser la paternité de Dieu. Dieu peut être déchiffré à travers tout ce qui existe dans ce monde. Le monde est un grand livre. Bienheureux ceux qui parviennent à épeler le Nom de Dieu dans chaque ligne de ce livre!

En essayant de comprendre plus profondément ce qu’a vraiment voulu dire Jésus dans ce commandement, nous réalisons que le prochain est celui qui est l’objet de notre compassion et de notre service mené jusqu’au bout. Aime ton prochain comme toi-même ne peut donc vouloir dire que: «Aime ton prochain plus que toi-même». Il serait futile de dire, par exemple: «Donne à manger à ton prochain autant que tu manges», car la situation de l’autre peut parfois exiger que tu enlèves la nourriture de ta propre bouche pour la lui donner et que tu te dénudes pour mieux l’habiller. L’équilibre quantitatif entre ta nourriture et la sienne ou entre vos vêtements respectifs signifie seulement que tu n’aimes pas vraiment jusqu’au bout. Cela veut dire que tu ne veux pas faire l’économie d’aucun moyen pour t’assurer une vie meilleure et que tu ne veux donner que de ton surplus. Un équilibre de ce genre te conforte dans le fait d’exister, quant l’amour signifie parfois le renoncement à ta propre existence pour faire vivre l’autre.

Ce commandement n’a pris toute sa plénitude que par Celui qui a aimé tous les hommes se donnant jusqu’à la mort pour eux sur la Croix. En se donnant ainsi, il les a considérés plus importants que sa propre vie. Par son exemple, nous nous trouvons justifiés de dépasser le commandement dans sa signification juive, basé sur l’amour des semblables et d’arriver à cette formulation: «Aime ton prochain plus que toi-même». En réalisant l’amour de Dieu pour nous dans le Christ, nous mourons au monde ou bien nous faisons mourir le monde en nous. Nous devenons conscients de ne pas exister par nous-mêmes. Nous cessons de donner de l’importance à ce que nous sommes. Nous croyons fermement que le Christ, par sa mort, nous donne l’existence. Notre être, ainsi renouvelé, se transforme en un autre être, celui de l’autre qu’il régénère et rend à la vie.

Nous devons aimer indépendamment des penchants ou des défauts de celui que nous aimons. Il peut être repoussant comme l’était la face du Christ sur la Croix. Il n’est pas important de voir la beauté des êtres pour les aimer. Nous ne les serrons pas sur notre poitrine mais sur celle du Christ. Il n’est pas nécessaire d’avoir des liens permanents avec celui que nous aimons en Christ. Il peut avoir besoin de nous aujourd’hui et se suffire à soi-même demain. Nous pouvons l’avoir beaucoup aidé ou même l’avoir longtemps soutenu. Qu’à cela ne tienne, il nous faut être toujours prêts à tourner notre visage vers un autre ayant besoin de compassion. Le visage de l’autre devient ainsi pour nous celui du Christ. Il est évident qu’en disant: J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger (Mt 25, 35), Jésus parlait de la faim des affamés et non de sa propre faim. Du fait que nous sommes des serviteurs, nous devons toujours rester attentifs aux besoins de ceux que nous servons: toujours présents, prompts à consoler et à réconforter, prêts à rassasier, disposés à conseiller. Dès qu’un besoin est porté à notre attention, nous devons nous faire proches et nous donner.

Il arrive que celui que nous aidons soit touché par notre attention et nous le rende en affection et en nous faisant une place dans son cœur. Il nous faudra alors être vigilants. Le danger d’une telle affection est de nous faire croire à une quelconque importance de nos dons. Cela ne devrait avoir aucune place en nous. Nous devons veiller à n’être rien à nos propres yeux. Nous aimons l’autre seulement pour qu’il réalise qu’il est aimé de Dieu. S’il nous rend notre affection, nous avons reçu notre dû. Il n’y a pas de mal à cela, mais ce n’est guère important. La seule importance d’un tel épanchement affectif est de porter les uns et les autres à se transcender et donc à les rapprocher de Dieu.

En réalité, nous donnons au Christ, car Il habite dans l’autre, en particulier dans celui qui est dans le besoin. Le Christ est le pauvre par excellence, le totalement pauvre. Il n’a reçu de l’humanité qu’un refus. Nous sommes donc avec lui et en lui en tous ceux qui souffrent. L’aimant et l’aimé sont unifiés dans l’unicité du Christ, qui a répandu par son sang le don jailli de toute éternité du cœur de Dieu. Celui qui demeure en Dieu est le seul à nous faire habiter en Lui. Si nous nous contentons d’habiter dans l’autre, nous voisinerons à la fois avec ses beautés et ses turpitudes. Nous devons alors nous suffire de peu et nous restons sur notre faim. C’est vrai que l’affection se nourrit d’affection. Il est même possible d’y trouver un tison divin. Mais, le discernement humain tourné vers Dieu et libéré du moi sacrifie le moi et alors Dieu se découvre dans les autres. Ce qui est important est de transmettre Dieu et notre foi en lui. Je ne dénie pas la légitimité d’un mouvement affectif et de la joie trouvée dans la rencontre de deux cœurs. C’est une récompense qui nous est donnée. Nous ne devons cependant pas nous attacher à celui que nous aidons, car notre but est de faire tourner sa face vers celle du Seigneur pour qu’il rende grâce et accède à la vie.

An-Nahar (Beyrouth), 19 novembre 2005.

Texte Originale: « تحب قريبك كنفسك »

Traduit par Service orthodoxe de presse (SOP).

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La Patience / le samedi 15 Octobre 2005

Beaucoup pensent que la patience est résignation devant le destin, une situation étouffante ou un état de fait imposé par la famille, le travail, le pays ou tout autre groupement humain. Ceux qui se résignent ne changent pas ; ils ne bougent pas par peur du choc qui pourrait résulter d’un changement. Tout nouveau les effraie parce qu’il impose un choix et des attitudes non encore expérimentées. Il invite à un comportement nouveau qui risque de perturber un confortable enracinement dans des habitudes anciennes. Le nouveau s’oppose à la conviction que ‘tout est prédestiné’ qui tend à laisser Dieu réfléchir à la place des humains et  résoudre leurs problèmes sans aucune participation de leur part. Il n’y a pas de doute que le déterminisme est une philosophie de vie très courante dans nos pays. Il est probable qu’il vient du nomade qui dort en nous, qui constatait que le soleil était toujours à sa place au-dessus de sa tête et que le désert s’étendait inlassablement sous ces pieds. La première capitulation se fait donc devant la nature.

La capitulation devant l’Etat  n’en est pas moins douloureuse. Tout Etat est oppressif. Cela se découvre à nous tous les jours ici et partout dans le monde, comme si l’histoire était immuable et comme si le dicton : ‘L’injustice pour tous nous rend tous égaux’ était une norme universelle. Ce que nous qualifions de gaspillage de nos ressources est appliqué ailleurs. La seule différence entre les pays est que dans certains les juges sont honnêtes tandis que dans d’autres, ils sont sous la coulpe des puissants. C’est la situation des pays du Tiers Monde, dont le nôtre, où personne ne croit que l’Etat est capable d’imposer la loi et de faire régner la justice.

S’ajoutent à tout cela les complications inhérentes à notre propre personnalité et à nos transgressions. Nous ne sommes pas sans réaliser que nous répétons chaque jour ce que nous avons toujours fait. Nous savons aussi que les apparences ne donnent pas une image fidèle de ce qu’il y a vraiment en nous. Souvent, elles cachent beaucoup de pestilences dont nous ne sommes pas prêts à nous débarrasser par le repentir, car toute vraie repentance demande un gros effort, continu et fatigant. Tout un chacun connaît quelques notions d’analyse psychanalytique et a une idée du prix exorbitant qu’elle suppose. Nous avons aussi tous lu récemment beaucoup d’articles sur la campagne colossale lancée en Occident contre de telles analyses. Certains auraient voulu utiliser ces analyses pour guérir. Ils n’en peuvent mais et découvrent qu’il n’y a pas d’espoir de guérison chez les médecins.

Confronté à de telles situations, l’homme se laisse abattre. Il peut même se complaire dans sa déroute et accepter sereinement de vivre dans l’erreur. Il est pris comme dans un tourbillon dont il ne veut pas sortir. Il se sent fatigué. Il angoisse et ne craint pas d’aller ainsi vers la mort qui devient pour lui la dernière étape sur le chemin du désespoir. Il ne fait aucun doute que celui qui réagit de la sorte a une foi chancelante. Bien qu’il n’en soit pas convaincu, il n’est pas encore parvenu à la patience des justes.

Celui qui vit de cette patience est touché, comme les autres, par la tristesse. Mais, il n’y demeure pas éternellement. Il commet des péchés comme tout le monde, mais il se reconnaît pécheur. Il sait que la terre ne se dérobe pas sous ses pieds parce qu’il est ancré en Dieu en Qui il fait sa demeure. Dieu n’a pas de maisons ici bas. Il est la maison. Cet homme est blessé comme les autres, mais il sait que Dieu est là pour panser ses plaies. Il attend d’être consolé par Sa venue tout en restant vigilant (éveillé ?). Il peut attendre longtemps. Dieu finira par venir.

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Le temps ne peut pas l’aider car il n’a pas de consistance. Il augmentera sa fatigue et lui causera encore plus d’ennui. Nous vivons tous dans le temps. Mais, le croyant domine le temps par ce qui le surpasse, c’est-à-dire par l’éternité de Dieu. Pour cela, il est dit dans les Ecritures : ‘C’est Toi mon Dieu que j’espère’ (Ps. 38 : 16). Celui qui persévère espère en ce Dieu qui vient vers lui, à cause de Sa promesse et de Sa miséricorde. C’est pourquoi rien ne peut le prendre en esclavage, car il est né d’en haut, selon l’expression de Jean le Bien Aimé. Le croyant sait que son existence lui est donnée. Il sait aussi que ses efforts ne le feront pas renaître. Il est cependant conscient qu’il se doit de les fournir par souci d’obéissance. Par son insistance et sa rigoureuse logique, saint Augustin a eu le mérite de souligner que le salut est avant tout l’œuvre de la grâce. La grande différence entre les croyants et les gens du siècle est que ceux qui ont la foi savent qu’ils viennent de Dieu et non de la terre, même si cette dernière a façonné leur corps. Persévérer, c’est s’arracher aux liens de maternité avec la terre pour affirmer la paternité de Dieu. Celui qui agit ainsi vit dans la confiance que tout oppresseur ne peut flageller que ce qui appartient à la terre. Il sait aussi que la poussière n’aura pas de part dans le Royaume de Dieu. Il garde donc ses yeux cloués sur la vie éternelle, c’est-à-dire sur cette vie qui vient de Dieu, parce qu’elle est Sa propre Vie.

Dans notre vie quotidienne,  il arrive souvent de nous trouver face à une impasse sans en avoir la solution parce que nous voudrions rester fidèles à Dieu. Il s’agit alors de résister devant l’obstacle jusqu’à ce que la foi le fasse bouger. Il ne sert à rien de se marteler la tête contre le mur, car nous avons besoin de notre tête pour y puiser la sagesse.

Pourquoi Jésus a-t-il dit : ‘Celui qui aura tenu jusqu’au bout sera sauvé’ (Mat. 24 : 13)? Pourquoi jusqu’au bout? Sans doute pour éviter que l’on soit tenté d’hésiter entre une solution terrestre et une autre inspirée d’en haut. Le mystère de l’homme qui arrive à tenir jusqu’au bout consiste en ce qu’il prie et qu’il se retrouve soi-même en priant. Dans la mesure où il attend Dieu, il se vide de ses prétentions de puissance et il s’ouvre vers le ciel qui ne tarde pas à le couvrir de ses bienfaits. Supporter l’emprise du temps lui fera réaliser son état de pauvreté et apprendre à l’aimer.

Assouvir tous les désirs jusqu’à l’outrance nous distrait de la recherche de Dieu. L’éveil (ou vigilance ?) nous pousse à cette recherche. C’est un autre nom de la patience (ou de la persévérance ?). C’est un charisme qui nous est donné, comme tout charisme, gratuitement. Ceux qui patientent (ou persévèrent ?) ne se laissent pas aller au repos. Ils vivent un mouvement intérieur constant, bien qu’ils apparaissent inertes aux yeux du monde.  Leurs mouvements se font naturellement dans le silence. Le silence empêche de rechigner, de se plaindre et de sombrer dans l’ennui, car il nous fait demeurer en Dieu. La vigilance (ou l’éveil) suppose aussi la quiétude (ou la sobriété spirituelle ou l’hesychia ?) et le souvenir de la mort. Elle permet d’affronter les plaisirs passagers, de devenir humble et de s’attrister sur ses péchés. Un de nos Pères a dit :’Bienheureux celui qui garde à chaque instant ses péchés devant les yeux, car il restera toujours éveillé’. Seule la divine tristesse,  c’est-à-dire la tristesse liée à la fidélité envers Dieu, garde notre esprit en éveil.

La relation avec Dieu, alimentée par des veilles de prière, nous aide à contrôler notre raison et notre cœur pour qu’ils soient toujours sous le contrôle du Verbe. L’oraison nous nourrit et nous fait vivre. Se maintenir dans cet état nous permet d’affronter toutes les mauvaises tentations et d’y résister à cause de la force emmagasinée en nous.

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L’apôtre Pierre nous dit: ‘Si faisant le bien, vous supportez la souffrance, c’est une grâce auprès de Dieu’ (1 Pi. 2 :20). Comme il est écrit plus haut, la patience (ou persévérance ?) vient du dedans, de cet édifice intérieur que nous devons ériger en nous. Elle nous rend maîtres de nous-mêmes en tout et devant toutes choses. Notre seule aspiration devient alors de demander avec tous les saints ‘le Royaume de Jésus et Sa constance’ (Apo. 1 :9). Dans ce contexte, la patience signifie la constance de notre enracinement personnel en Jésus.

Dans la mesure où nous vivons pareil enracinement, nous bénéficions d’une admirable vitalité pour changer le monde. Je voudrais réitérer ici que l’image de celui qui persévère comme une personne simplement sereine est une fausse image. Au contraire, il est celui qui bouge par excellence. Il supporte la prison, les tortures, l’acharnement dans les sévices. De même, il ne recule pas devant les épreuves et la lutte, car il ne connaît pas le désespoir, tant son espérance lui est continuellement donnée d’en haut.

Au sein de la détresse libanaise, seule la patience accompagnée d’un engagement dans l’action nous permettra de résister. Nous dépasserons ainsi les fautes et les péchés des uns et des autres. Nous réaliserons que nous y sommes tous partie prenante et qu’il faut demeurer dans l’espérance. Nous deviendrons conscients qu’il existe dans ce pays des purs refusant les compromissions et abhorrant cette mauvaise débrouillardise dont se prévaut un grand nombre et qui nous a beaucoup desservi depuis la nuit des temps. L’espoir d’une renaissance est bien là pourvu que nous restions vigilants (en éveil ?), l’esprit embrasé du feu de la foi en Dieu, car notre constance ne vient de personne d’autre que de Lui. Honte à nous si nous continuons à laisser faire. Il n’est plus permis de mentir comme nous l’avons fait si souvent. La pureté n’est pas inaccessible à celui qui la cherche. Elle suscitera un travail en commun pour rééduquer notre société civile et l’Etat et les amener à retisser des liens entre eux. Ainsi, le pouvoir apprendra à dépendre sur les compétences et les bonnes volontés au sein de la population et celle-ci profitera des bonnes décisions dans l’action gouvernementale.

Nous ne demandons pas au pouvoir d’être paradisiaque, mais simplement sérieux. Nous patienterons devant ses manquements. Nous le soutiendrons en toutes bonnes choses qu’il entreprendra pour assurer la nourriture aux pauvres, des soins réels aux malades et la scolarisation de tous nos enfants. Comment prouver au monde que le Liban est digne d’exister et d’agir en tant que pays réel, si chacun d’entre nous  ne se décide à  se purifier dans l’œuvre commune de la même façon qu’il se purifie dans le travail individuel ? Comment convaincre le monde qu’il a besoin de nous si nous ne nous montrons  pas responsables dans ce que nous entreprenons ?

Cela requiert de nous d’écrire une histoire nouvelle et de pratiquer des mœurs nouvelles qui sont la seule garantie de notre pérennité. Cela demande aussi une constance de notre service et beaucoup de sacrifices alliés à une grande fidélité envers notre patrie, convaincus qu’elle a des droits sur chacun de ses enfants et que nous avons tous des responsabilités envers elle. La patrie vivra ainsi en chacun de nous et de même nous vivrons en elle. Nous l’aimerons non seulement pour la beauté de ses sites naturels, mais aussi pour les vertus de son peuple et son aspiration à la dignité.

Une constance pareille fera de nous des saints, vigilants les uns aux autres, amoureux du bien, abhorrant le mal, espérant l’illumination de notre Liban par une lumière admirable.

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