LA DIFFERENCE ENTRE UN CONSEIL ET UN ORDRE / le 30 janvier 2000 / N*5
Je ne parle pas ici de la relation entre l’higoumène d’un monastère et le moine qui y réside en ce qu’il s’agit de l’obéissance. Beaucoup de choses ont été écrites sur cette relation fondée sur la douceur et l’humilité du père spirituel et sur le fait qu’il enfante les autres dans le Christ. L’obéissance est basée sur les vertus du père spirituel car le monastère n’est pas une caserne. Et quand l’apôtre Paul nous décrit comme des soldats du Christ, il ne parle que du sérieux de notre engagement envers Lui et en cela, il ne compare pas l’Eglise à une armée.
Le Christ seul nous commande car Il est le Seigneur et Il a la parole du salut et mérite d’être obéi car Lui-même a obéi au Père et s’est donné jusqu’à la mort, la mort sur la Croix. Nous obéissons à ceux parmi les humains qui se sont dépouillés du «moi», ont atteint une grande maturité spirituelle et reçu l’illumination, ils orientent sans passion ni intérêt quelconque ni par désir de domination. Denis l’Aréopagite, un écrivain de nos contrées apparu au début du VIème siècle, dit que: l’on fait prêtre celui qui a reçu l’illumination. Cela veut dire que tu ne lui obéis pas parce qu’il a été ordonné prêtre, mais qu’il a été ordonné prêtre parce qu’il a reçu l’illumination et qu’on l’a remarqué. Le sacerdoce en lui-même ne donne ni maturité spirituelle ni paternité spirituelle. Ce n’est pas le fait d’élever un homme a une dignité qui fait qu’il devient libre de toute passion et par conséquent apte à orienter. Seul l’Esprit Saint qualifie pour une véritable orientation.
L’Eglise ayant bien compris tout cela, n’accorde pas au prêtre le droit de confesser du fait de son ordination, mais elle attend que l’Esprit descende sur lui et qu’Il lui donne la maturité pour lui conférer le droit d’orienter les gens. C’est dans le domaine de l’espérance que nous souhaitons pour lui de recevoir le don de la paternité spirituelle. En vérité, nous lui conférons seulement le droit d’absoudre les péchés mais il ne deviendra pas un directeur de conscience automatiquement, ceci est étroitement lié à sa proximité avec le Christ.
Il faudra tout aussi bien qu’il étudie la Sainte Ecriture, qu’il pratique la prière profonde et fervente et qu’il se purifie de ses péchés. S’il ne suit pas une telle démarche avec beaucoup d’intérêt, il ne prononcera pas les paroles qui lui viennent de l’Esprit. Celui qui se sait faible, qu’il absolve les gens de leurs péchés sans rien dire, le sacrement de pénitence est ainsi accompli. La véritable direction spirituelle est enseignée par l’Esprit Saint et tu ne la trouves pas dans les livres.
Mais si l’Esprit t’inspire d’oser quelque chose, ose alors un conseil et non un ordre. En cela Nicon, l’higoumène d’un des monastères russes, décédé en 1963, a écrit, dans une lettre datant de 1951, suivant l’enseignement de Saint Ignace Briantchaninov: «Je vous rappelle que je n’exige de personne qu’il applique mes conseils en tout état de cause. Le conseil n’est qu’un conseil mais la dernière décision revient à la personne qui demande ce conseil». Il avait vu que les prêtres de son époque, dans des circonstances définies, n’étaient pas à même de découvrir réellement la volonté de Dieu, mais qu’ils pouvaient simplement expliquer Ses commandements. Et c’est ainsi que le père Nicon a précisé à l’une de ses filles spirituelles qu’il fallait qu’elle le considère plus comme un compagnon de route que comme un père spirituel. Il lui a dit qu’elle ne devait pas voir en lui quelque chose de plus que ce qu’il est, qu’elle se sente libre de s’éloigner de lui si elle percevait que ses conseils ne lui étaient pas profitables. N’ayant pas de père spirituel, il s’était réfugié dans la lecture et la prière qui sont salutaires quand nous ne trouvons pas de pères spirituels possédant le don du discernement.
Il est tout aussi clair que si tu orientes, il ne faut pas que tu tues la personnalité du fils spirituel, car tu ne penses pas à sa place. Laisse-le réfléchir, grandir et prendre ses responsabilités devant Dieu. «Nul ne peut résoudre pour autrui les problèmes que lui posent la vie» (Henri Bergson). Ne brise pas l’intellect de qui que ce soit ni non plus son cœur; Dieu dit: «Mon fils, donne moi ton cœur».
Aide-le afin que son cœur s’élève vers Dieu. Il s’appuie sur toi et tu l’amènes jusqu’aux pieds du Maître, dépose-le là-bas et disparaît.
Traduction d’un article
paru dans le bulletin diocésain Raïati
no5 en date du 30 janvier 2000.
Bulletin « Le Bon Pasteur » n°2 – septembre 2005
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