La Résurrection est un évènement et une idée; ce fait appartenant au parcours de Jésus de Nazareth présente aussi un sens. Cela est exprimé dans le tropaire pascal «Christ est ressuscité d’entre les morts, par la mort il a vaincu la mort». Ces paroles signifient qu’en pénétrant le Christ, la mort ne put le dominer. C’est comme s’il y avait ce qui transcendait le poids de cet évènement, pour exprimer la victoire du Sauveur au sein même du fait de la mort.
Cet évènement de mort est développé par les quatre Evangiles, où il occupe plusieurs chapitres et par St Paul qui y insiste. Dans le récit selon St Luc: «Il était suivi d’une grande multitude des gens du peuple, et de femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur lui» (23: 27). Jésus hissé sur la croix, «rendit l’esprit» (23: 46)- expression qui revient presque littéralement dans les autres Evangiles, où l’on cite des témoins par leurs noms. Que l’on soit croyant ou non, à considérer les Evangiles comme la presse de l’époque, le crucifiement s’avère un fait concret. Les divers récits qui rapportent la mort de Jésus s’accordent et sont véridiques, puisque le texte actuel de l’Evangile, cité dès le premier siècle et confirmant le fait de la mort, est attesté.
Jésus de Nazareth fut tué à l’instigation des foules juives et suite à une sentence du préfet romain, indispensable comme cause de la mort. La Résurrection révèle la signification essentielle de la mort de Jésus de Nazareth pour ses disciples. Il reste à se demander si la Résurrection est un évènement tangible.
Répondons d’abord que Jésus fut enseveli dans une grotte; il était donc couvert d’une voûte, et non de terre. Ce vaste tombeau fut trouvé vide le dimanche matin. Selon St Matthieu, l’ange dit à Marie Madeleine et à l’autre Marie, venues à la tombe: «Venez, voyez le lieu où il était couché.» «Il est ressuscité.» Il semble donc que l’absence du corps dans le tombeau constitue une preuve matérielle de la Résurrection. Chez St Marc, un jeune homme assis dans le sépulcre dit aux femmes qui viennent embaumer le corps: «Il est ressuscité, il n’est point ici; voici le lieu où on l’avait mis.» Là aussi, on confirme que le tombeau est vide.
Luc, quant à lui, désigne le tombeau vide en disant que Pierre y alla et «ne vit que les linges qui étaient à terre», c’est-à-dire sans le corps. Jean fait le même témoignage.
Les Evangiles ne disent pas que le corps de Jésus s’anima et sortit de la tombe le troisième jour, mais tous relatent qu’il est apparu à ses disciples. La Résurrection n’est pas un fait d’ordre matériel, comme le crucifiement; elle est indescriptible concrètement. C’est un fait que l’on déduit, que l’on constate d’après les apparitions du Maître à ses disciples et à Marie Madeleine dans le jardin. Elle est de dimension factuelle, voire elle appartient à une autre réalité concrète. C’est une libération réelle d’une mort aussi réelle. On la reçoit par le témoignage des Apôtres et de leurs compagnons, témoins qui affirment avoir vu le Seigneur.
A partir de la Résurrection, nous appréhendons la signification du crucifiement. Certes, la mort par la croix est un fait réel, mais on a besoin qu’on l’explique, qu’on se voit transporté de l’évènement à la cause qui constitue le but de la croix. Or ce but est de revivre par la Résurrection comme le Christ est revenu à la vie. Autrement dit, nous sommes nous-mêmes la fin de la Résurrection. Mais cela n’aurait pu avoir lieu si le Christ n’avait condamné le péché en sa chair, comme dit St Basile. Ainsi, la fête de Pâques vient nous affirmer qu’ayant obtenu la vie nouvelle en Christ, nous ne nous attendons à rien de plus. «Les temps ont été accomplis», comme dit St Paul, et, par la Croix nous sommes devenus les fils de Dieu. La terre est devenue un ciel; nous sommes appelés au trône de gloire.
Personne n’a réussi à traduire le sens et la répercussion sur notre vie de la Résurrection aussi bien que St Paul, qui dit: «Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie.» (Ro 6: 3-4) Si nous refusons de mener une vie nouvelle, la Résurrection du Christ ne nous concerne pas. C’est comme si nous ne l’avons pas reçue en nous-mêmes, et que nous demeurons dans nos péchés.
Pour cet Apôtre illustre, la Résurrection n’est pas une gloire d’antan, mais elle existe dans la vie des fidèles; ils proviennent de sa lumière, de sa chaleur, de sa permanence. Pour cela, Séraphim de Sarov, a créé cette salutation quotidienne: «Ma joie, Christ est ressuscité!» Cela me rappelle aussi St Mardaire, qui était de la noblesse romaine. Une fois qu’il se baladait dans son palais, à l’étage le plus élevé, il entendit chanter dans la rue. Sortant au balcon, il vit une foule de gens qui chantaient. Il demanda alors à ses domestiques qui ils sont et pourquoi ils entonnent de tels refrains. On lui dit que c’étaient des gens venus de l’Orient que l’on conduisait à la mort; ils chantaient parce qu’ils croyaient par cette mort s’unir à leur Sauveur, qui s’appelle Jésus. Alors Mardaire fit part à soi de cette réflexion: si ces gens tirent une telle joie de leur religion en allant vers la mort, elle est certainement vraie. Il descendit et les rejoignit. Il reçut le baptême de son propre sang et nous le célébrons en tant que martyr.
Pour nous, toute personne dont émane un éclat spirituel est déjà ressuscitée du péché, à l’instar de Jésus ressuscité de la mort. Au moment que nous nous délectons de regarder une icône dans notre Eglise, nous provenons de la Résurrection. Celle-ci est célébrée au début de la semaine, car toute divine liturgie est une autre fête de Pâques.
Les premiers chrétiens portaient des vêtements blancs lorsqu’ils perdaient un proche. En effet, ce dernier est passé à la Résurrection, puisque lors de sa mort, comme dit St Ambroise de Milan, il entame un dialogue avec le Père. Or Dieu ne s’occupe pas seulement d’individus. Il veut que la Résurrection englobe tout l’univers; ainsi, au Jour dernier, l’univers deviendra tout lumière. Selon notre doctrine, la Résurrection de Jésus a inauguré le nouvel univers; au Jour dernier, elle en inondera la matière de sa lumière. Pour ainsi dire, la matière ne gardera pas ses propriétés matérielles, mais recevra la lumière du Christ, tel que tout mouvement cosmique fera dès lors partie des Pâques du temps dernier.
Alors, on comprendra l’ampleur de notre chant: «Christ est ressuscité d’entre les morts, par la mort il a vaincu la mort, et à ceux qui sont dans les tombeaux il a donné la vie.» Se contenter de dire que les morts resurgiront à la vie ne suffit pas. Il faut s’expliquer en disant que l’univers deviendra le manteau du Christ; or, le Christ ne se revêt que de Lumière.