Le Métropolite Georges Khodr

| Nom | Georges Mitri Khodr |
| Adresse | Archevêché Grec Orthodoxe de Byblos et Botrys (Mont-Liban). Broumana- Liban |
| arch@ortmtlb.org.lb | |
| Site personnel | www.georgeskhodr.org |
- Né à Tripoli au Liban en 1923.
- Licence en droit de l’Université Saint Joseph, à Beyrouth en 1944.
- Avocat à la Cour d’Appel jusqu’en 1947.
- Licence en Théologie de l’Institut Théologique, Saint Serge, à Paris en 1952, sa thèse a porté sur la «Notion du Peuple de Dieu dans l’Ancien Testament».
- Porteur de trois doctorats Honoris Causa
- de l’Institut de Théologie Orthodoxe, Saint Vladimir, à New York en 1968.
- de l’Institut de Théologie Protestante, à Paris, en 1988.
- de l’Institut Théologique Orthodoxe, Saint Serge, à Paris, en 2007.
- Professeur en Théologie Pastorale et Islamologie, à l’Institut de Théologie Orthodoxe, Saint Jean Damascène, à Balamand, au Liban-Nord, de 1978 à 1993.
- Professeur de la civilisation arabe à l’Université Libanaise.
- Ordonné Prêtre en 1954.
- Pasteur à El-Mina-Tripoli au Liban Nord de 1955 à 1970.
- Métropolite du Diocèse de Byblos et Botrys (Mont-Liban) du 15 février 1970 jusqu’au 3 mars 2018.
- Co-fondateur du Mouvement de la Jeunesse Orthodoxe (MJO), au Patriarcat d’Antioche en 1942.
- Secrétaire du MJO, plusieurs fois élu, jusqu’en 1970.
- Directeur de la revue AN-NOUR (MJO) de 1948 jusqu’en 1970.
- Responsable du Comité des Relations Œcuméniques, au Patriarcat d’Antioche jusqu’en 2007.
- Président de la Commission Théologique au Conseil des Eglises du Moyen-Orient, 1967 – 1982.
- Président du Comite «Foi et Unité», au Conseil des Eglises du Moyen-Orient depuis 1984.
- Membre de la Commission du Dialogue Théologique entre l’Eglise Catholique et les Eglises Orthodoxes depuis 1980 jusqu’à 2007.
- Ancien Président de la direction de l’Académie Libanaise des Beaux-arts, à l’Université de Balamand, au Liban Nord.
- Expert en dialogue Islamo-Chrétien au Liban et à l’étranger.
- Œuvres en arabe dont:
(Les titres sont des traductions des titres originaux en arabe).
- La Nouvelle Antioche, AN-NOUR, Beyrouth 1969.
- La Palestine Retrouvée, AN-NOUR, Beyrouth 1974.
- La religion, est-elle l’opium des peuples? AN-NOUR, Beyrouth 1975.
- Mots d’Evangile, AN-NOUR, 1975
- Méditations sur l’Incarnation du Verbe, AN-NOUR, Beyrouth 1976.
- Huit paroles pastorales, AN-NOUR, Beyrouth 1977.
- L’Icône, Dar AN-NAHAR, Beyrouth 1978.
- «Si l’enfance m’était contée» DAR An-NAHAR, Beyrouth 1979 (plus tard traduit en français).
- La vision Orthodoxe de Dieu et de l’Homme, AN-NOUR, Beyrouth 1982.
- Paroles de Dimanche, 4 volumes, AN-NOUR, Beyrouth 1985.
- L’espoir en tant de guerre, Dar AN-NAHAR, Beyrouth 1992.
- Prise de position, Dar AN-NAHAR, Beyrouth 1992
- Ecrits Libanais, Dar AN-NAHAR, Beyrouth 1997
- Pensées et points de vue sur le dialogue Islamo-Chrétien et la coexistence (2), Presse des Peres Paulistes, Liban 2000.
- Lieux de prosternation, 2 volumes, Dar An-NAHAR, Beyrouth 2001.
- Pèlerinage à travers les visages, Dar AN-NAHAR, Beyrouth 2001
- La Nouvelle Vie, Dar AN-NAHAR, Beyrouth 2001
- Jérusalem, la coopérative de publication AN-NOUR, Beyrouth 2003
- «Ce monde ne suffit pas», Dar AN-NAHAR, 2005.
- Ecrivain d’articles éditoriaux hebdomadaires dans:
- LISSAN Al Hal, quotidien, Beyrouth.
- AN-NAHAR, quotidien, Beyrouth.
- RAIATI, bulletin hebdomadaire de l’évêché.
- Œuvres en langues étrangères:
- Si je disais les chemins de l’enfance, collection Sel de la Terre, ed. Cerf, Paris 1997 (en français).
- L’Appel de l’Esprit, collection Sel de la Terre, ed Cerf, Paris 2001(en français).
- Nella nudita’ di Cristo,ed.Qiqajon, Comunita di Bose, Italie, 1996 (en italien).
- L’Appel de l’Esprit: Eglise et Société, Kiev, 2006 (en russe).
- Essais et études: publiées dans des recueils.
- Le Verbe de Dieu, Paris 1966.
- L’Eglise et le Monde, AN-NOUR, 1973.
- Les Chrétiens d’Orient, institut des recherches arabes, 1981.
- La Pensée et l’Action Sociale chez les Orthodoxes Arabes de 1800 à 1920, dans «L’Eglise des Pauvres», éd. Julio di Santana, Favre, Genève, 1982 (en anglais).
- La Violence de la Guerre, ed. KAJA, 1991 (en Italien).
- Les relations Islamo-Chrétiens, une lecture du président et du futur, Institut des études stratégiques de recherches et de documentation, 1994.
- Vision Chrétienne de la Justice au sein de la Coexistence Islamo-Chrétienne, publication des pères Paulistes, Liban, 1996.
- Une centaine de conférences et études dont:
- «Le Christianisme et les Arabes», le Cénacle Libanais, volume 22, Beyrouth 1968. (en arabe).
- «Les Orthodoxes au Moyen-Orient dans les cents dernières années»; Dieu et l’Homme dans la pensée Chrétienne moderne; Université Américaine de Beyrouth, ed. Dr. Charles Malek, Beyrouth 1970 (en arabe).
- «Le Christianisme, dans un monde pluriel, l’économie du Saint Esprit», la revue Irenikon, N°2, Monastère de Chevetogne, Belgique, 1971 (en français).
- «Le Christianisme, l’Islam et l’Arabité», la revue Contacts, Paris année III, N° 110, 1980.
- «L’Esprit Saint dans la Tradition Orthodoxe», doc 68, Paris 1982 (en français).
- «Saint Basile le Grand: l’évêque, et le pasteur», la revue de L’institut Saint Vladimir, New-York, 1985 (en anglais).
- «Le dialogue entre les religions», conférence au forum culturel, Abu Dhabi 1993 (en arabe).
- «La religion et le monde dans le Christianisme et l’Islam», centre des études Islamo-Chrétien, Balamand, 1996 (en arabe).
- «Introduction à l’échange du points de vue entre le Christianisme et l’Islam dans le passé et le présent», centre d’études Islamo-Chrétienne, Balamand, 1997 (en arabe).
- «L’Intégrisme, et les mouvements Islamistes», le journal «Al-RA’i», Koweït, 1997.
- «La coexistence humaine mondiale, 45e congrès annuel de la société druze-américaine, Liban, 2000.
Pour n’en citer que quelques uns.
Continue readingLa Prière de l’Aube / le 24.10.2014
Sauve mon âme de l’injustice pour que je puisse réciter la prière de l’aube; «la prière est meilleure que le sommeil».
Tôt le matin, je la reçois, elle descend de Ton Royaume: Tu es l’implorant et l’imploré. Il est dit dans mon Eglise que la meilleure prière est de taire les mots et d’implorer avec le cœur. Je n’ai pas atteint cet état. La vraie prière, c’est Toi en moi, c’est atteindre le ciel où la parole n’a plus de mise. L’important c’est de garder Ta parole pour effacer la dualité entre les mots et ce que Tu veux. Si nous pouvions annuler les mots pour dire uniquement ce que Tu veux.
Parle pour que les hommes entendent. Ils demandent Ta parole non par les livres mais à travers les purs. Quand l’orant deviendra-t-il parole? Pouvons-nous transmettre avec nos mots la pensée de Dieu? Donne-nous d’avoir faim de Tes paroles pour que nous ne fabriquions pas des mots qui ne rassasient pas. Parle, nous T’écoutons.
Les hommes ont beaucoup parlé au cours des ans, et nous avons toujours faim. Ta parole est l’unique nourriture. «Prenez et mangez». Seigneur, nous mangerons Ta nourriture, si nous décidons de ne pas mourir. Tes disciples savent-ils qu’anciennement les croyants demandaient à leur ancien: donne-nous une parole de vie. Il répondait toujours: «Je ne parle pas de moi-même… ce que je dis c’est ce que le Père m’a dit» (Jean 12: 49 et 50). Notre péché est peut-être que nous n’avons jamais faim de Toi. Donne-nous Ta parole Seigneur afin que nous vivions. Les hommes ne vivent pas des paroles des hommes. Tu as dit «Je suis la Lumière et la Vie». Cela ne veut-il pas dire que Tu es Toute la Vie profondeur et étendue. Nous ne cherchons pas ce que tu as créé. Nous Te cherchons Toi. Viens alors et habite en nous et purifie-nous pour que nous allions de Toi vers Toi, pour que nous ne nous perdions pas dans un espace imaginaire. Tu nous habites, Tu nous apprends et nous T’écoutons.
Les hommes Te cherchent en nous. Ceux que tu n’habites pas n’importent à personne. Viens et parle, nous nous tairons et que Ta parole guérisse. Nous ne sommes pas des soleils, nous sommes Tes miroirs. Certains se posent des questions à notre propos. Te savoir en nous les enrichit et les désaltère. Nous ne sommes la nourriture de personne, Tu es le Pain de la Vie. A nous de le distribuer et de disparaitre. Viens vite Seigneur.
Viens, car tu es notre repos et nous ne pouvons aller à quelqu’un d’autre. Etre en Toi nous régénère, Toi qui as dit «Je suis la voie, la vérité et la vie» (Jean 14: 6). Les hommes ont une apparence de vie, et Tu es toute la Vie. Si nous sommes en Toi, nous en serons rassasiés.
Nous n’aurons plus faim. Et quand nos âmes se reposeront en Toi, nous n’aurons aucune crainte, car rien ne peut ajouter à Toi. Tu es le Pain de la Vie, tu la nourris et nous demeurons avec Toi. Demeure en nous Seigneur, habite en nous et nous nous n’aurons ni faim ni soif.
Seigneur, apprends-moi à prier avec des mots nouveaux qui partent d’un cœur où tu habites. Cependant, je crains mon cœur. Viens en moi pour que Tu parles en moi. Pour que je sache que je viens de Toi. Ne me détache
pas de Toi. Il ne me suffit pas d’être né uniquement de mon père et de ma mère. Si je ne sais pas que je viens de Toi, je me perds dans les dédales de mon âme. Donne-moi d’être de Toi pour que je sente que je suis devenu quelqu’un.
Sois ma Paix au moment de mon départ pour que je rencontre Ta Face à l’heure de ma mort. Ta Face me suffit. Seigneur, Ta face est l’aube.
Continue readingLa Résurrection cosmique / le 28.4.2012
La Résurrection est un évènement et une idée; ce fait appartenant au parcours de Jésus de Nazareth présente aussi un sens. Cela est exprimé dans le tropaire pascal «Christ est ressuscité d’entre les morts, par la mort il a vaincu la mort». Ces paroles signifient qu’en pénétrant le Christ, la mort ne put le dominer. C’est comme s’il y avait ce qui transcendait le poids de cet évènement, pour exprimer la victoire du Sauveur au sein même du fait de la mort.
Cet évènement de mort est développé par les quatre Evangiles, où il occupe plusieurs chapitres et par St Paul qui y insiste. Dans le récit selon St Luc: «Il était suivi d’une grande multitude des gens du peuple, et de femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur lui» (23: 27). Jésus hissé sur la croix, «rendit l’esprit» (23: 46)- expression qui revient presque littéralement dans les autres Evangiles, où l’on cite des témoins par leurs noms. Que l’on soit croyant ou non, à considérer les Evangiles comme la presse de l’époque, le crucifiement s’avère un fait concret. Les divers récits qui rapportent la mort de Jésus s’accordent et sont véridiques, puisque le texte actuel de l’Evangile, cité dès le premier siècle et confirmant le fait de la mort, est attesté.
Jésus de Nazareth fut tué à l’instigation des foules juives et suite à une sentence du préfet romain, indispensable comme cause de la mort. La Résurrection révèle la signification essentielle de la mort de Jésus de Nazareth pour ses disciples. Il reste à se demander si la Résurrection est un évènement tangible.
Répondons d’abord que Jésus fut enseveli dans une grotte; il était donc couvert d’une voûte, et non de terre. Ce vaste tombeau fut trouvé vide le dimanche matin. Selon St Matthieu, l’ange dit à Marie Madeleine et à l’autre Marie, venues à la tombe: «Venez, voyez le lieu où il était couché.» «Il est ressuscité.» Il semble donc que l’absence du corps dans le tombeau constitue une preuve matérielle de la Résurrection. Chez St Marc, un jeune homme assis dans le sépulcre dit aux femmes qui viennent embaumer le corps: «Il est ressuscité, il n’est point ici; voici le lieu où on l’avait mis.» Là aussi, on confirme que le tombeau est vide.
Luc, quant à lui, désigne le tombeau vide en disant que Pierre y alla et «ne vit que les linges qui étaient à terre», c’est-à-dire sans le corps. Jean fait le même témoignage.
Les Evangiles ne disent pas que le corps de Jésus s’anima et sortit de la tombe le troisième jour, mais tous relatent qu’il est apparu à ses disciples. La Résurrection n’est pas un fait d’ordre matériel, comme le crucifiement; elle est indescriptible concrètement. C’est un fait que l’on déduit, que l’on constate d’après les apparitions du Maître à ses disciples et à Marie Madeleine dans le jardin. Elle est de dimension factuelle, voire elle appartient à une autre réalité concrète. C’est une libération réelle d’une mort aussi réelle. On la reçoit par le témoignage des Apôtres et de leurs compagnons, témoins qui affirment avoir vu le Seigneur.
A partir de la Résurrection, nous appréhendons la signification du crucifiement. Certes, la mort par la croix est un fait réel, mais on a besoin qu’on l’explique, qu’on se voit transporté de l’évènement à la cause qui constitue le but de la croix. Or ce but est de revivre par la Résurrection comme le Christ est revenu à la vie. Autrement dit, nous sommes nous-mêmes la fin de la Résurrection. Mais cela n’aurait pu avoir lieu si le Christ n’avait condamné le péché en sa chair, comme dit St Basile. Ainsi, la fête de Pâques vient nous affirmer qu’ayant obtenu la vie nouvelle en Christ, nous ne nous attendons à rien de plus. «Les temps ont été accomplis», comme dit St Paul, et, par la Croix nous sommes devenus les fils de Dieu. La terre est devenue un ciel; nous sommes appelés au trône de gloire.
Personne n’a réussi à traduire le sens et la répercussion sur notre vie de la Résurrection aussi bien que St Paul, qui dit: «Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie.» (Ro 6: 3-4) Si nous refusons de mener une vie nouvelle, la Résurrection du Christ ne nous concerne pas. C’est comme si nous ne l’avons pas reçue en nous-mêmes, et que nous demeurons dans nos péchés.
Pour cet Apôtre illustre, la Résurrection n’est pas une gloire d’antan, mais elle existe dans la vie des fidèles; ils proviennent de sa lumière, de sa chaleur, de sa permanence. Pour cela, Séraphim de Sarov, a créé cette salutation quotidienne: «Ma joie, Christ est ressuscité!» Cela me rappelle aussi St Mardaire, qui était de la noblesse romaine. Une fois qu’il se baladait dans son palais, à l’étage le plus élevé, il entendit chanter dans la rue. Sortant au balcon, il vit une foule de gens qui chantaient. Il demanda alors à ses domestiques qui ils sont et pourquoi ils entonnent de tels refrains. On lui dit que c’étaient des gens venus de l’Orient que l’on conduisait à la mort; ils chantaient parce qu’ils croyaient par cette mort s’unir à leur Sauveur, qui s’appelle Jésus. Alors Mardaire fit part à soi de cette réflexion: si ces gens tirent une telle joie de leur religion en allant vers la mort, elle est certainement vraie. Il descendit et les rejoignit. Il reçut le baptême de son propre sang et nous le célébrons en tant que martyr.
Pour nous, toute personne dont émane un éclat spirituel est déjà ressuscitée du péché, à l’instar de Jésus ressuscité de la mort. Au moment que nous nous délectons de regarder une icône dans notre Eglise, nous provenons de la Résurrection. Celle-ci est célébrée au début de la semaine, car toute divine liturgie est une autre fête de Pâques.
Les premiers chrétiens portaient des vêtements blancs lorsqu’ils perdaient un proche. En effet, ce dernier est passé à la Résurrection, puisque lors de sa mort, comme dit St Ambroise de Milan, il entame un dialogue avec le Père. Or Dieu ne s’occupe pas seulement d’individus. Il veut que la Résurrection englobe tout l’univers; ainsi, au Jour dernier, l’univers deviendra tout lumière. Selon notre doctrine, la Résurrection de Jésus a inauguré le nouvel univers; au Jour dernier, elle en inondera la matière de sa lumière. Pour ainsi dire, la matière ne gardera pas ses propriétés matérielles, mais recevra la lumière du Christ, tel que tout mouvement cosmique fera dès lors partie des Pâques du temps dernier.
Alors, on comprendra l’ampleur de notre chant: «Christ est ressuscité d’entre les morts, par la mort il a vaincu la mort, et à ceux qui sont dans les tombeaux il a donné la vie.» Se contenter de dire que les morts resurgiront à la vie ne suffit pas. Il faut s’expliquer en disant que l’univers deviendra le manteau du Christ; or, le Christ ne se revêt que de Lumière.
Continue readingLa Lumière inaccessible / le 28.01.2012
Chaque pensée, chaque désir, et chaque convoitise qui nous animent sont une imprégnation par l’âme de tout ce qui lui est extérieur, pour qu’elle vive, ou une auto-projection au dehors pour qu’elle jouisse. Chaque relation ranime en nous la vie ou cause notre mort. Pénétrés du bien, de la charité, nous existons; envahis par l’ennui ou les péchés, nous sommes anéantis. Soit que l’on se meut vers une existence accrue, soit que l’on procède vers la mort. L’être n’est jamais stagnant. Il y deux alternatives: la quiétude de la vertu -lorsqu’on en veut bien- ou une annihilation progressive où l’on se livre graduellement au néant. Cela dure jusqu’au Jour du Jugement où Dieu décidera si nous sommes condamnables ou s’il faut déclarer un non-lieu, car Dieu ne juge que là où il repère quelque vice. D’où l’effort que déploient les personnes diligentes pour être préalablement affranchies du Tribunal, afin de se métamorphoser devant la face du Seigneur en figures de lumière.
«Dieu est la Lumière des cieux et de la terre». Celui en qui il ne voit pas son semblable, lui paraît ténébreux. Pour qui insiste, au Jour du Jugement, sur cette dissemblance, les ténèbres s’intensifieront, et il ressemblera au néant. Par contre, qui désire la Lumière divine au-dedans de soi deviendra un langage, le langage de Dieu. Alors il est interpellé par les habitants du ciel dans la gloire, à laquelle il participe. Evidemment, la Lumière de Dieu n’est pas créée, comme la lumière matérielle; elle n’appartient pas au commun des choses. Avant même que toute chose fut, elle procédait de lui. Elle provient de lui de façon qu’on ne pourrait concevoir, à savoir, qui reste imperceptible pour la raison humaine, car cette dernière est créée, alors que l’essence divine est incréée. Cependant, on participe aux énergies divines qui en procèdent.
Qu’est-ce donc la vertu, où en est-elle de ce discours théologique? Les vertus ne sont pas des œuvres, mais des qualités d’œuvres, lesquelles, une fois accomplies, s’attribuent à la réalité de la Lumière divine en l’homme. Ce sont donc une radiation de la Lumière divine. Reluisant de cette Lumière, on devient juste par conséquent; on participe ainsi à la justice de Dieu, comme si on se trouvait sur un même palier. Inversement, quand le péché pullule, il a le semblant d’un acte, ou d’un ramassis de vices, alors qu’en réalité, il n’est autre que des ténèbres. De ce fait on chasse Dieu même pour sombrer dans l’obscurité de tout ce qui n’appartient pas à cette Lumière.
Pour en venir au comportement, il faut dire que la relation n’est pas entre chacun et ses actions. Ce n’est que l’apparence. Il s’agit d’une relation personnelle avec Dieu, où l’on devient la demeure permanente du Seigneur, faute de quoi on choirait dans un abysse noir, et on ne verrait plus sa Face. C’est un retour constant vers la Lumière ou vers les ténèbres qui étaient en l’âme au commencement. Revenant sans cesse vers ce commencement, on s’apparente à ce Verbe duquel St Jean dit: «Au commencent était le Verbe». De même que le Verbe exprime Dieu pré-éternellement et parfaitement, les vertus de chacun déclarent le Verbe. Ainsi recevant la Lumière, on n’aura que le Christ à déclarer. Perdant cette
Lumière, on n’aura mot à dire. Pourtant, Dieu sauvegarde son image en l’homme, bien que défigurée, pour lui adresser la parole le jour de son bon plaisir, pour dissiper sa nuit et lui octroyer le don généreux de sa vertu. Réanimé par Dieu, il entonnera alors un chant que le Très-Haut même inspire.
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Etre calme ou pacifique, patient ou doux, humble, chaste, ou obéissant envers ceux qu’on aime, revient à la même chose. Pour être plus clair, mettons les choses ainsi: chacun brille de tel ou tel autre éclat par une différenciation d’apparence, ou encore pour exprimer diverses énergies en l’homme. Mais en réalité, les vertus forment toutes un ensemble compact, et les vices de même. En d’autres termes, lorsqu’on reçoit la grâce divine, celle-ci réunifie la personnalité, reliant les diverses vertus. L’humilité, par exemple, est raffermie par la douceur, la patience par le calme, et les deux par l’esprit pacifique. Ce qui a l’apparence de vertus n’est en réalité autre qu’une présence divine en l’homme. Cela me conduit à affirmer que l’élément de pureté en l’homme est un; celui-ci est capable de rappeler la faveur de Dieu. En effet, on n’est jamais abandonné par le Seigneur, qui ne se dérobe pas devant l’insistance à le fuir, car on est chéri par lui plus qu’on ne chérit ses propres péchés. L’Ami de l’homme, comme on appelle le Seigneur, ne saurait être placé à pied d’égalité face au péché que la miséricorde rend délébile. Cependant, combattre le péché exige un exercice aussi terrible qu’assidu, puisqu’il s’agit de supprimer ce colosse.
Or celui-ci n’est détruit qu’à l’heure du trépas, pourvu que Dieu détecte sa paix en l’homme, aux derniers moments de son existence. On trouve cela dans notre littérature spirituelle. Saint Sisoès étant sur le point de rendre l’âme, les moines dont il était le supérieur l’entourèrent et lui dirent: «Abba Sisoès, offre-nous une parole de vie». Et lui de répondre: «Quelle parole de vie vous offrir, alors que je ne me suis pas encore repenti?!» Ce grand juste craignait ne pas avoir atteint la pleine pureté d’âme, d’être toujours exposé à la condamnation de Dieu.
Cette lutte quotidienne est une véritable agonie pour l’âme, jusqu’à ce que la Lumière y perce, pour inonder le cœur dans un moment de faveur divine. Alors on pourra mourir en paix. Il faudra donc se préparer à ce moment du bon plaisir de Dieu par l’acquisition de vertus constantes, qui irradient l’âme de leur intense lumière. La présence divine s’obtient en la sollicitant, car Dieu ne s’engage jamais à l’octroyer sauf à ceux qui reçoivent sa promesse. Si l’on reçoit cette promesse de Dieu en toute humilité, en toute sincérité, on n’en saura rien qu’au Jour Dernier, lorsque le Christ prononcera cette parole: «Viens, Ô béni par mon Père, prend possession du royaume qui t’a été préparé».
Or le Royaume fut préparé pour chacun avant la fondation du monde. Le croit-on, quand même? A-t-on le sentiment d’être le bien-aimé de Dieu? Certes, on trace son parcours selon la parole de Dieu, convaincu dans la foi que le Christ est venu par condescendance pour chacun. Mais on n’a pas la ferme conviction de l’avoir reçu en soi, car Dieu seul scrute les cœurs en toute équité. Sur ce, celui qui mène le bon combat, fixé sur la croix, à savoir, pleurant ses péchés et implorant pour recevoir la grâce gratuite qui
sauve, vit dans une espérance mêlée de crainte, toutes deux pénétrées d’allégresse. La parole qu’on se voit adresser par Dieu est d’importance; l’accepter est un prodige. Cela s’accomplit en brisant son ego pour aller baiser les pieds du Crucifié, et les sécher de ses larmes. Avant d’entamer ce calvaire, on n’existe qu’en puissance. La véritable existence commence là-bas.
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Abordant les blessures du Christ, on s’en ira prêcher son amour aux frères, dans l’espoir qu’ils se repentent. Si l’on ne leur distribue pas cet amour, on ne pourra le percevoir dans l’âme, ni les frères n’accèderont au salut. S’ils pleurent aussi, ayant ressenti leur chute, on formera avec eux l’Eglise du Seigneur.
Cette Eglise demeurera une poignée modeste, mais le Père y sera glorifié. Les péché repentants ont toujours été ce petit troupeau qui reçoit toutes les bénédictions de Dieu, pourvu qu’ils réalisent qu’il n’ont que le Christ pour lot. Là réside la paix parfaite, dans laquelle on s’abandonne complètement à la volonté du Sauveur, et la foi devient activée par l’espérance. En effet, seule l’espérance projette l’homme vers le moment de sa mort, cette antichambre de la divine miséricorde. Que l’on vive donc pour aller à l’encontre de la mort. Ainsi, on connaîtra sa résurrection dès le présent. Le Seigneur oublie les péchés de celui qui met ces choses en pratique, et se montre tolérant envers les manquements commis dans sa vie, le perfectionnant par son pardon, si bien que tel homme se retrouve dans l’étreinte divine.
Or, la Lumière tant attendue n’est autre que cette étreinte, où l’on baigne, complètement inondé. Ayant gagné la faveur de Dieu, on est attiré contre sa poitrine, pour accéder à l’intellection ultime.
Continue readingMr Erdogan lit-il? / le 24.09.2011
Dans le discours prononcé par le Premier ministre turc Rajab Tayyeb Erdogan, devant les ministres des affaires étrangères arabes au Caire, deux phrases retiennent mon attention. La première est la suivante: «La Turquie et les Arabes partagent une doctrine, une culture et des valeurs communes». La doctrine, il va sans dire, est l’islam. Ces paroles impliquent que Monsieur le Premier ministre ne remarque pas l’existence de douze millions de chrétiens arabes, pour le moins, qui n’ont nullement besoin d’un étranger pour définir leur identité nationale.
En ce qui concerne la culture, c’est la langue persane qui eut le plus grand impact en Anatolie. Après Mehmed le Conquérant, Constantinople devint une métropole littéraire qui attirait les poètes arabes et perses, pendant que le turc vernaculaire prenait pied. Néanmoins, il faut dire que vers le quinzième et le seizième siècle, il ne restait aucune influence arabe qui ne fut mêlée d’interférence perse. Au XIXème siècle, lors du Tanzimat, la Turquie littéraire se tourna vers l’Occident. Puis, après la guerre d’indépendance et la déclaration de la République turque en 1933, le sentiment national turc gagna en vigueur, jusqu’à l’époque du révolutionnaire Nazem Hikmet (1902-1963). A partir de 1939, les horizons turques s’élargirent avec les diverses traductions, et le développement de la pensée sociale et politique. Ce qui anime la littérature aujourd’hui ne présente aucun rapport avec l’arabité.
Quant aux valeurs que Mr Erdogan qualifie de communes à nous deux, elles comportent de l’ancien et du nouveau. Il est certain que les valeurs anciennes ne nous harcèlent point. Nous tendons toujours vers la modernité, jusqu’à afficher un goût vif pour l’Europe, alors que les Turcs sont fortement attachés aux valeurs anciennes. Leur espoir d’une fusion politique avec l’Europe est seulement dans le but de compléter l’Alliance Atlantique qui les rallie à elle. C’est ce qui donne son ascendant à la Turquie dans le monde arabe, en vue de quelque ottomanisme où les arabes seront plus des alliés mineurs que de puissants partenaires.
Plus effrayante encore est la parole de Mr Erdogan qui suit: «Il fut dans l’Histoire turque un jeune homme qui mit fin à une civilisation noire, pour inaugurer une nouvelle civilisation de noble lignage en soumettant Istanbul: c’est Mehmed le Conquérant». Je me garderai de discuter la noblesse et la grandeur de la civilisation turque. Je commence par cette question à Mr Erdogan, qui ne devrait pas le choquer: a-t-il fait des lecturessur la civilisation byzantine, qu’il taxe d’être «noire»? Il faut dire que les Turcs sont des soldats. En se conspirant avec les vaisseaux de l’Occident implantés là-bas, ils remportèrent leur victoire sur cette civilisation intellectuellement prééminente en 1453. Comment donc Mr Erdogan se propose-t-il de nous convaincre qu’une telle civilisation harmonieuse, ingénieuse, de spiritualité céleste fut «noire»? Comment ne peut-il voir que la Renaissance européenne advint seulement avec l’exode des cerveaux de Byzance vers l’Occident. C’est d’eux que l’Ouest s’inspira la Raison grecque pour élaborer la philosophie moderne.
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La culture est l’élément le plus important de la civilisation byzantine. On y retrouve des œuvres rédigées en grec et en latin, parmi les ouvrages des historiens de l’Antiquité. Elle recèle aussi des lettres concernant l’agriculture, la stratégie militaire, la médecine générale, la médecine vétérinaire, et l’interprétation des rêves. Tout cela constituait une bibliothèque gigantesque. En plus de cela, il y avait la bibliothèque du Patriarcat Œcuménique, qui comportait les actes des conciles et la littérature patrologique. Il faut y ajouter les bibliothèques privées, et quelques livres liturgiques, çà et là. Les livres y étaient rares à cause de leur coût; mais les riches s’en procuraient sans peine.
Quant à l’école primaire, elle était sous la tutelle de l’évêque. Les enfants y apprenaient à lire, à écrire, et à faire des comptes, avec le Psautier comme livre principal. A l’école, on enseignait la syntaxe, et chaque lettre avait une valeur numérique, comme dans le monde arabe. Dans ces écoles, on chantait agréablement.
Tous les enfants rejoignaient le cycle complémentaire. Les gens apprenaient tout sur l’Antiquité: Homère, l’architecture, la rhétorique, et les mathématiques. Le domaine de la philosophie incluait la théologie, les mathématiques, la musique, l’astronomie, et les sciences naturelles. Au treizième siècle, des œuvres latines, perses et arabes parurent via la traduction. On importa du latin la nomenclature administrative, et de l’arabe, les termes de l’industrie textile. L’Eglise manifestait son attachement à la langue archaïque. A Constantinople, il y avait plusieurs universités; en même temps, le Patriarcat fournissait un enseignement universitaire.
L’enseignement supérieur exigeait inévitablement la connaissance de l’Ecriture Sainte. Les actes doctrinaux des conciles donnèrent lieu aux termes de théologie. L’ascétisme et le mysticisme influencèrent l’éducation alors que la doctrine reposait sur les écrits de Jean Damascène. Syméon le Nouveau Théologien, Grégoire Palamas et Nicolas Cabasilas étaient les grands mystiques de l’époque. Là aussi, les vies des saints firent leur parution. Les livres liturgiques, sur lesquels les orthodoxes subsistent jusqu’à nos jours, ont été rédigés entre le quatorzième et le quinzième siècle. Savoir utiliser les livres de prières, notamment ceux des fêtes et des cycles liturgiques, était une constante de la culture byzantine.
Il existait des ouvrages littéraires en langue académique: des livres d’histoire, de géographie, de stratégie militaire, mais aussi des ouvrages sur l’éloquence, l’art du récit, la philosophie, la linguistique, et la grammaire.
L’Histoire commençait par la Création du monde et se terminait au temps de l’auteur du livre. Outre cela, la philosophie grecque révéla les Pères de l’Eglise. Ayant la conviction de parfaire les idées de l’Antiquité par l’inspiration religieuse, on émettait les concepts chrétiens par le truchement du langage philosophique. Ce dernier resta pourtant fixe. Les systèmes théologiques se diversifièrent, mais les vrais philosophes étaient rares, alors que proliféraient les experts en classiques grecs, les critiques littéraires et les linguistes, et qu’émergeaient les dramaturges.
Il me semble que la poésie religieuse fut la meilleure production écrite. Tout ce qu’on appelle dans nos rites kondakion et canon est de la poésie. A Byzance, on connut également la poésie populaire et les contes en langue vernaculaire et soutenue, ainsi que des savants en mathématiques, en physique et en optique. Les byzantins avaient aussi une connaissance pratique de la zoologie, et de la botanique pratique, à savoir l’usage des plantes en médecine et en pharmacie. Les byzantins apprirent la chimie de Strabon et l’appliquèrent en métallurgie, en teinturerie, en pharmacie et en verrerie.
Sur le plan médical, on fonda des hôpitaux, et les médecins jouissaient d’un enseignement institutionnalisé, riche en ressources. C’étaient des ophtalmologues célèbres: Paul d’Egine, qui eut une certaine influence sur la médecine arabe était versé en chirurgie et en obstétrique. Michel Psellos était l’auteur d’un dictionnaire médical. De plus, on promulgua des livres spécialisés en médecine dentaire; les byzantins excellaient aussi en ferrage et en nutrition animale. Chez eux, la pharmacie faisait part de l’enseignement médical, et l’on se mettait parfois à l’école des Arabes et des Perses.
L’art du discours était de grande importance dans la propagande politique et religieuse. L’homélie religieuse en faisait partie; c’était l’époque de Jean Chrysostome, dont la réputation gagna Antioche et Constantinople aux quatrième et cinquième siècles ap. J-C. Nous avons encore ses homélies en grec, traduites dans la plupart des langues européennes, et partiellement en arabe.
De plus, l’icône en tempera sur bois ou en fresque commença à paraître dans l’Empire. Elle visait surtout à enseigner la foi aux illettrés. Le quatrième siècle marqua le début de l’iconographie et les mosaïques; les plus anciennes sont celles de Thessalonique (La Sainte Vierge, St Georges). Quelques icônes, découvertes sous Atatürk, subsistent encore à l’Eglise Sainte-Sophie. Une part minime se trouve à Chypre, alors que la majeure partie est conservée à Ravenne (en Italie). Cependant, les mosaïques s’avérant coûteuses, elles furent remplacées par les fresques. Celles-ci étaient répandues dans la région qu’on désigne aujourd’hui par l’Orient Arabe. A présent, elles émergent de nouveau à travers toute la contrée du Liban et de la Syrie. Citons de même l’illustration des manuscrits, et particulièrement des évangiles. Aussi l’art de la miniature se reliait-il à la joaillerie et à la broderie.
L’Eglise réalisa lors du septième concile que l’icône était indispensable. Elle en adopta la vénération au concile en 787 et ainsi les icônes peuplèrent les maisons et les églises du monde orthodoxe. Ce fut St Jean Damascène, un moine de Palestine, qui en rédigea le premier exposé théologique. L’Eglise adopta son interprétation de l’icône, d’autant plus qu’il en justifie la nécessité par l’Incarnation divine. Le caractère spirituel de toute icône conservée dans les maisons orthodoxes des quatre coins du monde, ainsi que l’inspiration spirituelle qu’elle manifeste dans les églises, sont des facteurs qui préservèrent la foi.
Les historiens affirment que tous les byzantins étaient croyants, si bien que lorsqu’ils rencontraient un moine, ils demandaient sa bénédiction. On peut se figurer, dans une telle ambiance, l’attention qu’on accordait aux infirmes et aux indigents.
Certes, il y eut des empereurs injustes; mais on en trouve aussi qui abandonnèrent le trône pour rejoindre l’ordre monastique. Malgré ses transgressions, cette société désirait inaugurer le royaume de Dieu sur terre, en maintenant une foi juste et une vie honnête. Cela se manifestait par le fait de pleurer ses péchés, de se montrer aimable, clément, paisible, compatissant, de renoncer à l’argent et de vivre dans l’abstinence. Or, tout cela se résume en un seul mot: l’amour du Seigneur.
Il est essentiel que l’homme soit guidé par les choses de l’extérieur à celles de l’intérieur. En d’autres termes, dans cette civilisation, tous les croyants menaient un train de vie mystique. Il s’agit de demeurer dans le mystère de Dieu, alors que les sens extérieurs ne perçoivent nullement ce que l’on reçoit de lui. On répète la prière de Jésus mille fois par jour dans son cœur, jusqu’à ce que s’évanouissent les paroles, et que son cœur en devient parole. Toute personne qui connaît les prières orthodoxes, à l’origine élaborées dans nos pays, y rencontre une richesse inégalable. Chaque prière, du matin au coucher, et jusqu’à minuit, comporte cette certitude exprimée le jour de Pâques: «Christ est ressuscité d’entre les morts»! C’est que lors de la divine liturgie, ayant reçu le Corps et le Sang du Seigneur, on supplie Dieu d’être «parfait dans le royaume des cieux», affranchi du tribunal au Jour du Jugement. Ces prières intensives, profondes, cristallines, le corps à genoux ou en station debout et l’âme limpide, puisent toutes dans l’Ecriture divine, ou la redisent sous une forme poétique, jusqu’à devenir une poésie divine chantée en communauté.
En lisant tout cela, Mr Erdogan pourra-t-il encore désigner telle splendeur, – que nous tentâmes de décrire dans la mesure du possible, comme une «civilisation noire»? Vous n’êtes nullement justifié d’avoir lu et mal compris. Vous n’êtes point justifié de prendre la lumière pour l’obscurité. Vos ancêtres agressèrent la ville qui se reconnaissait être, à l’époque, l’unique foyer de la civilisation au monde. Veuillez donc montrer l’équité souhaitable envers vos prédécesseurs; veuillez lire, car vous êtes un responsable.
Traduit par Monastère de Kaftoun
Texte Original: « السيد اردوغان هل يقرأ » – 24.09.2011
Continue readingLa foi / le 17.09.2011
Commençons par l’étymologie. La foi est le fait de croire; c’est la sécurité, par opposition à la peur. C’est aussi la confiance, ainsi que la fidélité. Selon le philosophe arabe Al Ghazali, de même que dans le christianisme, la foi est une lumière projetée par Dieu dans le cœur de l’homme, comme pour dire que Dieu en est la source. Elle est reçue par l’homme, qui y répond par l’obéissance manifestée dans la piété et les bonnes mœurs.
Il ne s’agit donc nullement d’une activité rationnelle, quoique la raison y joue un rôle récepteur. La raison n’est pas l’initiatrice de la foi, quand bien même la philosophie médiévale déployât des efforts pour aboutir à ce qu’elle désigna par les «preuves» de l’existence de Dieu.
Il est certes possible d’admettre rationnellement l’existence d’un Créateur, mais la preuve rationnelle ne saurait déclencher cet élan du cœur vers Dieu, vers la fréquentation de Dieu, dans le sens de ce que certaines philosophies appellent «l’expérience», voire «la dégustation» de Dieu. Si la foi effectue une résurrection ontologique dans l’ensemble de l’existence humaine, elle ne pourrait être le simple aspect d’un discernement logique. Un ami qui connut une période d’irréligion, me dit un jour qu’il rejetait tout ce qui n’était pas dicté par sa raison. «Si ta raison faisait toute ton existence,» lui dis-je, «comment aurais-tu donc choisi ton épouse? Ton amour pour elle n’est point commandé par ta raison, y aurait-elle participé de quelque façon. Ou encore est-ce ta raison qui décida que les symphonies de Beethoven sont incontestablement la meilleure musique?» Le comportement humain est tel que personne ne se conduit uniquement selon ce que lui dicte sa raison.
Dans le christianisme, Dieu est le seul objet de la foi. C’est pourquoi il est dit dans le Credo: «Je crois en un seul Dieu»; et d’ajouter: «et en un seul Seigneur Jésus-Christ». En effet, être Seigneur signifie être Dieu. Pour les chrétiens, Marie n’est pas un objet de foi, mais de vénération. Les saints non plus, quoiqu’on sollicite leur intercession. Il en va autant pour les prophètes de l’Ancien Testament. On croit pourtant en leurs livres, comme faisant partie de la Révélation divine.
Par ailleurs, croire en quelque miracle postérieur aux miracles du Christ n’a pas valeur de dogme. Les gens sont libres de croire ou non aux apparitions des saints; libres aussi d’accepter ou non les miracles d’une icône. Tout ce qui tient à la créature n’est pas inclus dans le dogme de la foi. Que telle ou telle femme reçoive des messages du ciel est chose possible; on n’est pourtant pas tenu d’y croire. A chacun de donner crédit ou non au fait d’accourir vers les lieux de miracles. Mais pourquoi avons-nous besoin de miracles pour raffermir notre foi en Dieu? «En ces derniers temps, Dieu nous a parlé par son Fils». Si l’on se trouve en charge de personnes à la foi vacillante, qu’on les renvoie au Livre de Dieu. Celui qui ne s’y fie pas ne sera jamais convaincu par quelque apparition postérieure.
Il existe une religion populaire bourrée de légendes, prompte à l’effusion des émotions et des sentiments, saturée d’hallucinations, dont les adeptes nous harcèlent pour y croire. Or, nous sommes comblés de la résurrection du Seigneur, de sa présence dans l’Evangile et dans l’Eucharistie.
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Rares sont les croyants à la foi vive, qui avouent dans leur for intérieur que Dieu est tout pour eux. Celui qui compte sur son argent ou sur sa santé manque de s’en remettre à Dieu et ne le rencontrera pas sur son parcours d’existence. Il s’accumule dans la mémoire des gens un imaginaire et un langage religieux empruntés à leur milieu, qu’ils prennent pour un souffle de pensée divine dans leur âme, mais qui ne sont rien. Il s’agit d’une religion qu’ils s’inventent eux-mêmes, pensant qu’elle leur servira de fétiche contre la maladie et l’indigence. Parfois, ce n’est qu’une fable qui vient corrompre la dévotion véridique dont elle est originaire. La religion est très dangereuse quand elle n’est pas constamment purifiée par la grâce de Dieu. Faute de s’unir à Dieu, à l’amour de Dieu, on serait envahi par le paganisme sans le savoir. Ce genre de religion teintée de mythes n’est que trop répandu.
Le Clergé n’est pas automatiquement préservé par Dieu de cette religion médiocre. Si celui qui porte l’habit noir n’est pas transformé par le bras du Très-Haut, sa robe n’est rien que du tissu. La charge confiée au prêtre ne garantit pas sa sainteté. Souvent telle charge s’empreint de l’amour du pouvoir ou de la passion de l’argent. Tout supérieur n’est pas forcément libéré de ses passions; ayant les choses sacrées pour métier, il pourrait se figurer les avoir atteint. Alors s’accomplirait l’adage anglais: «le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument», jusqu’au jour où Dieu nous verra tous dénudés dans le tombeau. A vrai dire, la foi n’est pas garantie dans tous les rangs du clergé. C’est pourquoi les anciens moines se dérobaient du sacerdoce en s’enfonçant dans le désert. La hiérarchie ecclésiastique est -ou pourrait être- l’école de la haine. Les Arabes avaient raison en déclarant: «La souveraineté n’est pas donnée à celui qui la convoite». Le problème est que les gens innocents ne reconnaissent pas les hommes malveillants et perfides, comme si Dieu ne sauvegardait les bons que par la mort des méchants. Mais l’autre problème est qu’on n’a pas le droit d’attendre cette mort; c’est la prescience divine qui en décide sans nous le révéler.
On n’aura d’autre consolation que de contempler la Face de Dieu, sachant qu’il dirige son Eglise par son Esprit Saint et que patienter est notre lot, jusqu’à ce que le Seigneur nous emmène auprès de lui pour rejoindre le rang des justes.
Que l’on veille donc pour ne pas contracter la malveillance et la perfidie, car le jour viendra peut-être où les hommes purs seront rares. C’est la vision de Jésus concernant la fin des temps. Face à la décadence générale, on n’a qu’à se tenir sur sa croix jusqu’à la dernière goutte de sang.
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Les personnes intelligentes me questionnent d’habitude sur la relation entre la foi et la connaissance. Ceux-ci suivent le principe de la raison, alors que les gens de foi suivent le principe de la certitude, comme si les deux se rencontraient difficilement. Mais prétendrions-nous, les adeptes de la foi, veiller sur Dieu, alors qu’il est le Protecteur? St Cyrille d’Alexandrie dit: «Il est indispensable que tu croies pour que tu puisses comprendre… la connaissance vient après la foi». Vint ensuite St Augustin pour dire: «Nous croyons pour raisonner; nous ne raisonnons pas pour croire». C’est en montrant l’excellence de la foi qu’on avance dans la connaissance. Pour plus de précision, citons St Jean Chrysostome: «Par la foi, nous parvenons à la connaissance des choses divines. La foi est la première condition de la connaissance; c’est elle qui y conduit la raison».
La foi n’est pas une question de preuves logiques. Elle provient de la confiance en Dieu. Saint Cassien dit: «Afin de croire, je dois avoir la certitude de connaître celui qui a parlé». Mettons les preuves de côté: en effet, il faut se servir de la raison en proportion à la foi donnée par Dieu.
Regardant tous les gens échoir comme des moustiques en s’affairant pour chercher leur propre ruine et celle des autres, je réalise que ce sont des sans-dieu qui cherchent à masquer leur irréligion. «Mon âme est triste jusqu’à la mort» parce que les croyants deviennent rarissimes. Pourtant, nous savons bien que l’humanité est sauvée en puissance, et que nous sommes appelés à renouveler notre fraternité par le Saint Esprit, jusqu’à ce que le Seigneur mette fin aux temps mauvais par des Pâques éternelles.
Traduit par Monastère de Kaftoun
Texte Original: « الإيمان » – 17.09.2011
Continue readingFête de l’Elévation de la Croix / le 11.09.2011 / N*37
Cette fête est liée à deux événements. Le premier est la découverte de la Croix sous le Golgotha par sainte Hélène pendant qu’elle était en Palestine et construisait des églises. Le deuxième événement est le suivant: la sainte croix était déposée dans l’église de la Résurrection quand les Perses envahirent Jérusalem en 628 et volèrent la Croix. La Croix fut rendue à la ville sainte après la victoire de l’empereur byzantin Héraclius sur les Perses. Le Patriarche prit la Croix et l’éleva en présence des fidèles. De là vient l’expression «élévation de la Croix». Le jour de la fête, avant la liturgie, le célébrant porte en procession une croix déposée sur un plateau et entourée de fleurs. Le prêtre pose le plateau sur une table devant la porte royale. Puis il élève le plateau au-dessus de sa tête puis l’abaisse jusqu’à terre pendant que le chœur chante cinq cent fois Kyrie eleison. Ensuite le prêtre donne une fleur à toute personne qui vient embrasser la croix.
Dans notre Eglise il n’y a pas de croix sans crucifié peint ou sculpté. La croix devient ainsi icône. La prosternation se fait donc devant l’icône du crucifié dans l’espérance de la Résurrection.
Toute notre foi est basée sur la Crucifixion du Christ et sa Résurrection. Nous célébrons cette crucifixion en diverses occasions en dehors de la Grande Semaine dont cette fête. Sans la mort du Christ nous n’avons pas d’espérance. Et si le Christ n’est pas mort et n’est pas ressuscité nous n’avons pas de résurrection et notre foi est vaine. L’amour que le Christ a prêché est apparu sur la Croix et s’est révélé par la Résurrection. L’amour n’est pas seulement un enseignement. C’est le fait de sa Crucifixion et le fait de sa Résurrection d’entre les morts. Nous exprimons cela lorsque nous mettons une croix au cou de l’enfant baptisé afin qu’il comprenne toute sa vie qu’il a été enseveli avec le Christ et qu’il sera ressuscité dans l’espérance de la vie éternelle.
Cette fête renouvelle notre appel à vivre une vie nouvelle, à devenir de nouvelles créatures par l’Esprit Saint. La Croix est le symbole de cette vérité que le Sauveur nous a révélée et que nous essayons d’expérimenter en goûtant toute la beauté du Christ, ceci si nous voulons vaincre nos passions. Dans la mesure où nous nous libérons des désirs, nous proclamons que nous suivons le Christ ressuscité d’entre les morts.
La vie nouvelle signifie la conversion qui est retourner vers la face de Jésus et quitter les tentations du monde. «Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive». En premier tu décides toi-même de suivre le Christ et de tout supporter avec patience, et en même temps d’aimer les frères pour que les gens voient que vous êtes libres du péché et que vous êtes des ressuscités.
Certes vous souffrez tous comme tous les êtres humains et le Christ porte vos souffrances. Tous les jours vous souffrez, vous vous angoissez et si vous cherchez la joie c’est Jésus qui vous la donne si vous lui remettez votre cœur afin qu’il l’habite. Ceci signifie que vous prenez la Croix comme compagnon pour supporter l’existence et marcher vers le haut.
Mais porter l’existence avec vous et l’élever vers le Christ exige que vous fassiez des efforts pour connaître la Parole de Dieu qui est dans l’Evangile. Lisez l’Evangile tous les jours et méditez-le afin que le Seigneur voie que votre face est devenue lumineuse et que vous marchez vers une vie nouvelle. En plus de la connaissance de l’Evangile il s’agit de vivre la prière quotidienne et de participer à la liturgie eucharistique chaque dimanche.
Il n’a y pas de vie sans parler à Dieu matin et soir afin que vous ressentiez la présence de Dieu en vous, sa miséricorde, sa protection et sa gloire.
Le renouveau de la vie spirituelle vous garantit la force nécessaire pour porter la croix et avancer vers la résurrection.
Faites le signe de la Croix sur le front et la poitrine en comprenant l’importance de la Croix et votre adhésion totale au Christ par ce signe. Vous saurez alors que votre destinée est le ciel.
Traduit par Maud Nahas
Texte Original: « عيد ارتفاع الصليب » –Raiati 37- 11.09.2011
Continue readingLa femme / le 27.08.2011
Ce sujet est inclus dans les questions théologiques relevées par cette rubrique, bien qu’il présente plusieurs aspects anthropologiques. Pourtant, je me suis proposé de l’aborder à cause des méprises et des erreurs multiples commises par les penseurs qui le discutent. Le problème réside en ce que les hommes parlent pour les femmes, desquelles ils se trouvent responsables pour des raisons religieuses, ou par l’effet des relations mixtes. Je me lance quand même à l’aventure, espérant apporter quelque rectification.
St Grégoire le Théologien, qui fit ses études à notre école de Droit de Beyrouth, au quatrième siècle, dit un jour: « Les hommes sont injustes envers les femmes, puisque ce sont eux qui érigent les lois. » Ces propos laissent entendre que la concurrence entre les deux genres est inévitable. Mais ce conflit entre les deux natures est-il inné, de sorte qu’il s’aggrave au sein de la vie conjugale, si bien que l’un des conjoints manifeste de la violence domestique? Ou est-ce le péché qui emploie la puissance physique ou celle de la séduction pour mieux dominer? Ces questions supposent l’impossibilité d’entamer un débat sur la femme sinon par rapport à l’homme. S’il en est ainsi, le titre de cet article est injustifié.
Si, par contre, en vue de mieux comprendre, on voudrait bien revenir au commencement, on lira ce qui suit: « Dieu créa Adam[1] à son image, à l’image de Dieu il le créa; mâle et femelle il les créa« (Gn1, 27). Il est dit Adam (l’être humain), non l’homme mâle. Par conséquent, il me semble que l’image divine n’est pas dans l’homme et la femme unis, dans ce que les français appellent « le couple ». Voici la seconde version du récit de la création: » ‘L’homme s’écria: voici cette fois l’os de mes os et la chair de ma chair, celle-ci, on l’appellera femme car c’est de l’homme qu’elle a été prise.’ Aussi l’homme laisse-t-il son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et ils deviennent une seule chair » (Gn2, 23-24). Dès lors, il devient évident qu’elle est un autre être humain, malgré sa provenance de lui. Les deux ne deviennent un que par la volonté conjugale, ce que l’on désigne unanimement, d’une façon ou d’une autre, par le terme « contrat ». Chez les chrétiens -surtout les Orthodoxes- on l’appelle « alliance ». L’union est une disposition spirituelle, un prolongement spirituel entre deux êtres indépendants. L’ardeur ne fait pas sortir l’homme de sa solitude. L’intimité est un engagement, une progression, un même désir. Qu’elle prenne la forme d’une fusion touchant à la dissolution, aucun des deux ne serait à l’image de Dieu; le lien d’amour implique une personne qui aime et une autre qui est aimée.
Au fond, l’indépendance de la femme est exprimée par l’Apôtre Paul dans son Epître aux Galates: « Il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme » (Ga3, 28). Ce « il n’y a plus l’homme et la femme » signifie qu’aucun des deux n’est combiné à l’autre, de manière à être défini par l’autre, ou par la relation entre les deux. L’homme et la femme trouvent respectivement leur plénitude en Jésus Christ ; les célibataires ne sont en rien inférieurs aux mariés, car tous sont faits à l’image de Dieu. La relation établie par le mariage ne change en rien l’image de Dieu en chacun des époux. Mais voici l’Apôtre qui vient nous éclairer sur la nature de cette relation dans l’Epître aux Ephésiens.
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L’Apôtre commence par la soumission mutuelle entre les être humains, avant de développer la question du mariage. C’est donc à la lumière du verset 21 qu’il faudrait comprendre la suite du passage. Beaucoup ne lisent que la moitié du verset qui leur sied: « Femmes, soyez soumises à vos maris« , suivie par « car l’homme est le chef de la femme« , puis « tout comme le Christ est le chef de l’Eglise, lui, le Sauveur de son corps« . Le Christ est mort pour l’Eglise, et ainsi le mari meurt pour sa femme. Or chacun obéit à celui qui meurt pour lui. Cela est confirmé par la parole suivante: « Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré pour elle ». Et l’Apôtre d’ajouter: « Celui qui aime sa femme s’aime lui-même. » C’est pourquoi, désormais, il constitue avec elle un seul être, comme le Christ et l’Eglise forment un seul être. Le mariage chrétien ne saurait exister hors du mystère de la mort et de la Résurrection.
Tout cela est basé sur la différence entre la passion d’amour –eros– et la charité. La passion d’amour est une chose naturelle que l’Eglise consacre lors de la célébration matrimoniale. Quant à la charité, elle descend de chez Dieu sur les deux époux, les appelant à mourir chacun pour l’autre. Si cette descente n’a pas lieu, ou si elle est refusée, la passion d’amour est menacée de disparaître, laissant place à la haine; l’union conjugale est alors détruite. C’est pourquoi les non-croyants se trouvent en danger de se séparer suite à un mariage déclenché par la fougue, au lieu de la foi.
Le Nouveau Testament ne fait pas mention de la femme en soi, mais de sa relation avec l’homme dans le cadre du mariage, du moment qu’elle est sanctifiée par lui et lui par elle. Or, dans la vie sociale, l’homme s’attribue une importance supérieure à la femme, pour la simple raison qu’il est un mâle. C’est la règle qui sévit dans notre existence orientale -peut-être même dans le monde entier-, car l’homme considère la femme comme la source de la séduction. La vérité est qu’aucun des deux genres n’est exclusivement séducteur. D’ailleurs, que l’homme opprime la femme est chose certaine, et cela pour la double raison qu’il se voit formidable et qu’il cherche à confirmer sa grandeur sans occasion. Aussi se met-il à la battre parce qu’il se confie la charge de la corriger. Tant que les choses vont ainsi, il y aura une brèche dans la vie conjugale.
Or, en réalité, elle est dotée d’une santé plus solide que lui, le dépassant de sept ans en longévité. Cependant, elle dépend sur lui et réclame son soutien, peut-être par ce qu’il est producteur. Qu’elle travaille, par contre, elle aura recours à ses propres moyens, et se considérera comme autonome, grâce à l’argent qu’elle se procure. Suite à cette égalité dont elle jouit désormais, la voilà qui s’émancipe du joug mâle. Sans doute, cette nouvelle situation complique énormément les choses. Mais elle et lui n’accéderont à une dignité égale qu’en cultivant la vie spirituelle. Jusqu’à ce que la femme devienne indépendante grâce à leur production financière commune, chacun des deux continuera à asservir l’autre, avant de réaliser qu’ils sont des êtres humains, et que la bienveillance des hommes n’a rien à faire avec l’argent.
Quand donc se libérera-t-elle de l’esclavage qu’elle lui impose? Elle devra d’abord comprendre qu’elle n’est pas simplement un corps, et que la beauté dont elle jouit n’est rien en soi; c’est juste un don de Dieu pour le genre humain. Cela dit, la vie conjugale est une situation des plus difficiles. L’issue serait que les conjoints réalisent de concert que le mariage ne ce confine pas à la rencontre de deux corps, et que l’âme de chacun devrait s’élever jusqu’à la communion spirituelle. Telle communion n’aura lieu que lorsqu’ils réalisent tous deux que le mariage est de s’offrir à l’autre.
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Cela suppose que toute jeune fille parvienne à une pleine conscience de soi avant de s’engager dans la vie conjugale, indépendamment de cette dernière –nonobstant la complémentarité qui caractérise le mariage. En effet, elle a des charismes propres, tout comme son mari a les siens. Suite à un veuvage éventuel, chacun conserverait sa plénitude, malgré le calvaire. Pour elle, la maternité est un métier, comme pour lui, la paternité.
En disant que cela est un grand mystère, Paul entendait que la vie conjugale à vie est un mystère, parallèlement au mystère de la relation entre le Christ et son Eglise. Le malheur pour l’homme est de sentir que sa femme cherche à le dominer par l’attrait que lui accorde la nature. Assez souvent, cela est vrai. En réalité, la femme emploie sa beauté pour se protéger et se garantir le respect total de son mari. Ce dernier devrait donc y saisir un moyen d’auto-défense, et le devoir de se mettre au service de sa femme, en retour de son service pour lui. La vie matrimoniale est un échange entre égaux, un accroissement commun vers Dieu, d’une part, et vers l’éducation des enfants de l’autre. Qu’ils fixent tout deux le regard vers leurs enfants comme objectif commun, et ils renonceront à leurs chamailles. Ils deviendront plus religieux pour l’amour de leur descendance, qui n’est pas leur possession, mais celle de Dieu.
Purs comme ils sont, les enfants appartiennent à Dieu, leur cœur étant ouvert à la connaissance, au progrès, et à une vie vertueuse. L’homme ne parviendra jamais à la sainteté s’il ne comprend pas que la femme ne lui est inférieure ni en dignité, ni en moralité, ni en charité. Leur vie durant, et jusqu’à l’honorable vieillesse, c’est Dieu qui les réunit, non l’ardeur d’amour. C’est lui qui les a faits un seul et un seul cœur, à l’image de son propre cœur.
[1] L’emploi du mot hébreu Adam réfère au genre humain, par distinction avec l’hébreu îsh désignantl’homme mâle.
Traduit par Monastère de Kaftoun
Original Text: « المرأة » –An Nahar- 27.08.2011
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